Christophe NAEGELEN

Question n°2116 – Transparence dans l’utilisation de l’aide publique au développement

Question :

M. Christophe Naegelen attire l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur le manque de transparence dans l’utilisation de l’aide publique au développement. L’article 29 du projet de loi de finances pour l’année 2018 fournit comme chaque année la répartition, par mission et par programme, des crédits du budget général et donc par conséquent de l’aide publique au développement. Cette aide est divisée en deux programmes, l’aide économique et financière au développement et la solidarité à l’égard des pays en développement. Ces sommes sont bien évidemment nécessaires pour de nombreuse populations faisant face à des situations dramatiques y compris au sein des 16 pays prioritaires ciblés par la France. Cependant, leurs utilisations demeurent trop obscures. À l’heure où les Français demandent plus de transparence dans l’utilisation de l’argent public, l’État doit être exemplaire avec ses comptes publics. Il serait donc nécessaire de savoir avec précision quelle part de l’aide publique au développement est allouée par exemple à l’eau et à l’assainissement ou à la nutrition, mais aussi qu’elles sont les actions concrètes qui en découlent. Cette opacité sur les chiffres a d’ores et déjà été signalée par un certain nombre d’organisations non gouvernementales, y compris françaises, comme Action contre la faim. Compte tenu de cette situation qui ne permet pas une évaluation factuelle et rigoureuse de l’aide publique au développement française, il souhaiterait savoir si le ministère prévoit à l’avenir un décryptage plus pertinent de celle-ci en détaillant avec précision les dépenses relevant de l’aide publique au développement.

Réponse

Concernant l’accessibilité aux données de l’aide publique au développement (APD), un effort important de transparence a été entrepris : – les données détaillées, projets par projets sont publiées intégralement sur le site de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le fichier dit SNPC (système de notification des pays créanciers). L’exhaustivité et la qualité de la déclaration augmente chaque année. De nouvelles exigences adoptées par les membres du comité d’aide au développement s’imposent aux bailleurs pour une meilleure comptabilisation des flux, suite à la réforme de 2014 de l’APD (ex. notamment avec la concessionnalité des prêts). – depuis 2014, les données brutes sont également diffusées sur le site www.data.gouv.fr. A la suite du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de novembre 2016, la direction générale du trésor (DG Trésor) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) – co-tutelles de l’agence française du développement (AFD) – ont décidé d’une adhésion de l’AFD à IATI (international aid transparency initiative) après un premier temps comme observateur. Dans le cadre de l’initiative pour un « Partenariat pour un gouvernement ouvert », l’AFD publie également les données au format IATI sur le site www.afd.opendatasoft.com qui permet de visualiser les projets avec un outil de cartographie. – le document de politique transversale détaille l’ensemble des crédits du budget de l’Etat contribuant à l’APD. Il s’est étoffé et intègre désormais le détail des dépenses du Fonds de solidarité pour le développement (FSD). – les projets des institutions de développement sont soumis à un examen scrupuleux, au conseil d’administration de l’AFD (où siègent parlementaires et organisations non gouvernementales [ONG] ) et par les organes de gouvernance des autres institutions par qui les fonds transitent (banque mondiale, autres organisations multilatérales). Les principales actions couvertes par la mission budgétaire « aide publique au développement » La mission interministérielle APD – 2,5 Md€ de crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2018 – regroupe les crédits des deux principaux programmes budgétaires concourant à cette politique : le programme « aide économique et financière au développement » (programme 110), mis en œuvre par le ministère de l’économie et des finances (MEF), et le programme « solidarité à l’égard des pays en développement » (programme 209), mis en œuvre par le MEAE. Mission budgétaire « aide publique au développement » et taxes affectées au développement (loi de finances 2018)


En M€

AE

CP

P 110 Aide économique et financière au développement

840,5

961,4

P 209 Solidarité à l’égard des pays en développement (hors crédits de personnel)

1 678,2

1 573,9

Total Mission APD

2 518,7

2 535,3

FSD

738,0

Taxe sur les transactions financières (TTF) affectée à l’AFD

270,0

TOTAL

2 518,7

3 543,3

Les crédits de la mission transitent par trois canaux : l’aide bilatérale, mise en œuvre directement par la France ; l’aide européenne, mise en œuvre par l’Union européenne (UE), grâce aux contributions françaises au budget de l’UE et au Fonds européen de développement (FED) ; l’aide multilatérale hors Union européenne, mise en œuvre par les organisations internationales telles la Banque mondiale. Au total, dans l’APD française, ces 3 canaux représentent respectivement environ 60 %, 21 % et 19 % (moyenne 2013-2015, source : OCDE) [1]. Les crédits d’aide bilatérale financent différents instruments complémentaires : aide projet ; aides budgétaires globales, par lesquelles le MEF vient notamment appuyer des Etats en difficulté macroéconomique, notamment au Sahel ; bonification des prêts concessionnels de l’AFD ou par le DGTrésor ; coopération technique ; subventions à des opérateurs et à des ONG… Une grande partie de ces crédits est mise en œuvre par l’AFD, opérateur de l’aide publique au développement française, dans le cadre de son plan d’orientation stratégique et de son contrat d’objectifs et de moyens avec l’Etat, qui fixe les moyens, les objectifs et la trajectoire financière de l’AFD. Les crédits d’aide multilatérale permettent à la France de participer à l’effort international en faveur du développement, par des contributions aux institutions financières internationales et à leurs fonds concessionnels (Association internationale de développement du groupe banque mondiale par exemple), ainsi qu’à différents aux fonds sectoriels, comme le fonds vert pour le climat en matière de lutte contre le changement climatique ou le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La ventilation de l’aide au développement française En termes sectoriels, la ventilation de l’aide française est globalement assez proche de celle des autres principaux donneurs européens. Les 3 premiers secteurs de dépense sont les infrastructures et les services (20 % [2] ), la santé (10 %) et le développement rural et urbain (9 %). Suivent l’éducation (6 % [3] ) et la protection de l’environnement (6 %). En 2016, la France a consacré 8 % de son aide bilatérale, soit un peu plus de 400 M€, au secteur de l’eau et de l’assainissement. Seuls 7,5 M€ sont consacrés directement à la nutrition. Toutefois, il s’agit d’un secteur dont la comptabilisation est, aujourd’hui, imparfaite et en cours d’amélioration, avec la mise en place prochaine d’une comptabilisation des composantes « nutrition » de programmes concernant à titre principal d’autres secteurs. Quelques exemples d’actions sur le terrain dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de la nutrition L’année 2016 s’est caractérisée par une forte croissance des projets engagés par l’AFD dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement (+ 30 % par rapport à 2015), avec 1,2 Md€ d’engagements dont 1 Md€ en Afrique continentale. En 2017, la cible est de 1,3 Mds€. Des projets ont en particulier été lancés en Tunisie, en Equateur, en Jordanie et au Sénégal, en matière d’amélioration de la qualité des systèmes d’alimentation en eau potable. Au Maroc, à Madagascar et en Egypte, c’est sur la qualité du système d’assainissement que des opérations ont été engagées. Ces différentes opérations dans le secteur de l’eau et de l’assainissement ont un impact direct sur la nutrition. En effet, la consommation d’eau insalubre, un assainissement inadéquat et le manque d’hygiène sont parmi les principales causes de la sous-nutrition ou malnutrition. L’absence d’infrastructures adéquates entraîne auprès des populations vulnérables, en particulier les enfants, une exposition à des risques accrus et notamment à des infections parasitaires intestinales qui engendrent une phase de sous-nutrition. L’Organisation mondiale de la santé estime ainsi que 50 % des cas de sous-nutrition infantile dérivent de diarrhées à répétition et d’infections intestinales. Aussi, l’AFD inclut dans 30 % de ces projets de financement en eau et assainissement des actions de sensibilisation à l’hygiène et a comme objectif d’atteindre un taux de 50 %. A titre d’illustration, l’AFD a financé en 2016 au Burkina Faso un projet d’adduction d’eau potable à hauteur de 13 Md€ dans la région Est, particulièrement touchée par la malnutrition chronique. Ce projet vise à améliorer de façon durable l’accès à l’eau potable de 254 000 personnes via la construction/réhabilitation de 30 mini-réseaux équipés de bornes fontaines et de 80 forages dans les territoires les plus enclavés et à appuyer la structuration d’opérateurs de services. Il s’agit d’un projet qualifié également de projet innovant dans son approche, dans la mesure où l’AFD et les autorités burkinabè ont sélectionné les zones fortement touchées par la malnutrition comme zones cibles pour l’amélioration de l’accès à l’eau potable. L’AFD a également financé un programme intégré d’assainissement du grand Antananarivo à Madagascar, pour 22 Md€ en prêt et 6 Md€ en dons (de l’Etat français et par une délégation de fonds de l’UE). Ce programme vise à améliorer les conditions de santé et de vie des populations concernées, en accompagnant les autorités locales dans la prévention des risques d’inondation ainsi que l’amélioration du réseau d’assainissement. [1] La notion statistique d’APD, définie par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, est différente des crédits budgétaires. C’est elle qui est utilisée au niveau international pour apprécier l’aide des différents Etats. [2] Moyenne 2013-2015. Source : OCDE. [3] Hors frais de scolarité en France des étudiants étrangers.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-2116QE.htm