Christophe NAEGELEN

Question au Gouvernement n°430 – Mortalité routière

M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Christophe Naegelen. Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d’abord m’associer aux propos que vous venez de tenir concernant le drame qui a eu lieu la semaine dernière. (Applaudissements sur divers bancs.)

Trois mille quatre cent soixante-dix-sept tués sur les routes de France en 2016, ce sont 3 477 morts de trop. Afin de trouver une solution pour réduire ce chiffre, vous pouvez compter sur notre mobilisation. Seulement, monsieur le Premier ministre, il faut faire attention à la méthode. Les automobilistes ont depuis quelques années le sentiment d’être une galette de secours pouvant servir aussi à ajuster certaines recettes gouvernementales et beaucoup voient dans votre proposition de baisse de la limitation de vitesse un outil supplémentaire de répression.

Quand la vitesse moyenne des Britanniques est de 97 kilomètres heure, celle des Allemands de 106 kilomètres heure et que ces deux pays ont moins de morts sur les routes que nous, croyez-vous que la baisse de la limitation de vitesse soit la vraie solution ? À l’heure où les voitures deviennent de plus en plus sophistiquées, avec des moyens d’assistance et de sécurité qui se développent de jour en jour – je vous invite d’ailleurs à lire le rapport de mon collègue Bertrand Pancher sur la mobilité connectée – croyez-vous que ce soit le bon moment ? Alors que vous demandez aux Français de plus en plus d’efforts dans le cadre des restrictions budgétaires, combien coûterait le changement des panneaux sur tout le territoire français ?

Monsieur le Premier ministre, ce combat pour que la mortalité routière diminue, nous le partageons tous, mais pas les moyens pour le mener. C’est sur les infrastructures qu’il faut travailler, sur une amélioration de l’état des routes ! C’est aussi sur les addictions au volant, qu’elles soient téléphoniques ou liées à la consommation de stupéfiants ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UAI.)

Monsieur le Premier ministre, après les expérimentations qui ont été menées depuis le mois de juillet 2015 sans aucun bilan positif connu à ce jour, pouvez-vous rassurer les 40 millions d’automobilistes inquiets de voir la répression routière prendre le pas sur la prévention et les rénovations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UAI et plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, il y a quelques jours, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, j’étais en Seine-et-Marne, dans un centre spécialisé dans l’accompagnement, la rééducation et, si j’ose dire, la reconstruction de ceux qui, après avoir subi un accident de la route notamment, voient leur vie transformée – rarement en mieux, monsieur le député.

En une fraction de seconde, parfois suite à une inattention, de la personne blessée ou de celle qui est responsable de l’accident, des vies sont cassées, brisées, amputées. Peut-être avez-vous eu l’occasion de visiter de tels centres, monsieur le député, et peut-être, comme de très nombreux Français, avez-vous eu la malchance voire le terrible malheur d’être touché, ou vos proches, par des accidents de la route.

L’utilisation de la voiture, l’usage des routes est une liberté et chacun ici se plaît à penser qu’il est responsable sur la route, qu’il maîtrise, qu’il sait ce qu’il fait. Pour vous dire la vérité, monsieur le député, j’ai moi-même cédé à cette impression, à cette griserie de liberté et de maîtrise. Je ne prétends pas être le plus responsable des automobilistes. Il m’est arrivé de rouler trop vite et il m’est arrivé d’en être sanctionné.

Vous avez évoqué des chiffres qui sont justes, monsieur le député. Je sais que chaque année 3 500 personnes, 3 500 Français, des hommes, des femmes, des enfants trouvent la mort sur nos routes. Trois mille cinq cents ! Je sais que 72 000 personnes chaque année – 72 000 ! – sont victimes d’accidents qui les laissent cassées, brisées, amputées. Je sais comme vous, monsieur le député, qu’il y a quinze ans, ces chiffres étaient considérablement supérieurs. Il y a un peu plus de quinze ans, on comptait parfois jusqu’à 10 000 tués sur les routes françaises. Parce que des gouvernements, parce que des présidents de la République successifs se sont engagés – je pense évidemment à l’engagement très fort qu’a pris le président Jacques Chirac – le nombre de tués et de blessés a diminué. D’une certaine façon, nous devons évidemment nous réjouir d’être passés d’environ 10 000 à 3 000 ou 3 500 tués.

Monsieur le député, il se trouve qu’en dépit de l’amélioration des véhicules, en dépit de l’efficacité de l’ensemble des campagnes de prévention, le nombre de tués et de blessés augmente depuis 2014. Pas très vite ! Mais il ne diminue pas, et augmente légèrement.

Comme vous, je ne me satisfais pas de ces chiffres. Je ne peux pas me satisfaire de ce nombre extravagant de drames et de vies brisées. Nous devons donc collectivement nous saisir de ce problème et essayer d’y apporter des solutions. Je ne crois pas, que la réponse réside dans une seule d’entre elles, et vous non plus d’ailleurs.

Il faut évidemment engager un programme important de sécurisation et d’entretien des infrastructures. Remarquez avec moi que l’accent mis par le Gouvernement sur les transports du quotidien plutôt que sur les grandes infrastructures répond notamment à ce besoin.

La sécurité des véhicules s’accroît, et c’est tant mieux, mais vous savez comme nous tous ici que la vitesse, notamment sur ce que l’on appelle le réseau secondaire – non par son importance mais parce qu’il n’est pas constitué de ces grandes autoroutes et routes nationales avec deux fois deux voies bien séparées – est en cause. Le réseau secondaire bidirectionnel, sans séparateur central, est celui sur lequel surviennent le plus grand nombre d’accidents, et les plus graves.

J’ai indiqué – et je l’assume, monsieur le député, en ayant bien conscience que cette proposition ne susciterait pas un grand enthousiasme ou une grande popularité – que la mesure consistant à ramener la vitesse sur ce réseau secondaire bidirectionnel sans séparateur central de 90 à 80 kilomètres heure permettrait, grâce à son respect par l’immense majorité des automobilistes, de diminuer de 300 à 400 le nombre de morts annuel et, dans une proportion équivalente, le nombre de blessés.

Je comprends parfaitement que l’on me demande, d’abord, de veiller au respect des limitations de vitesse,…

M. Éric Straumann. Bien sûr !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …à ce que personne n’utilise le téléphone au volant, à ce que chacun renonce à boire ou à utiliser une substance addictive. Vous avez parfaitement raison. Mais nous savons – pas tant vous ou moi que les médecins, les urgentistes du Samu – qu’en tout état de cause, la vitesse est un facteur aggravant. J’ai donc indiqué en effet qu’il me semble, à titre personnel, que cette proposition mérite d’être discutée : discutée avec les élus, qui sont bien souvent les gestionnaires de ce réseau secondaire, et avec les associations, qui pour certaines d’entre elles contestent cette mesure et pour d’autres la promeuvent, parce que le sujet que vous avez évoqué, monsieur le député, est central.

Si, y compris en prenant des mesures impopulaires, nous sommes en mesure de préserver 300 vies l’année prochaine et au moins autant les années suivantes, nous nous retrouverons à la fin de ce quinquennat, monsieur le député, et nous pourrons dire que nous avons œuvré utilement pour la collectivité.

C’est cette mesure que je soumets à la discussion, c’est cette mesure sur laquelle le Gouvernement prendra une décision au mois de janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et quelques bancs des groupes MODEM et UAI.)

M. Éric Straumann. Je prends rendez-vous !

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-430QG.htm