Question :
M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’économie et des finances sur les fonds structurels et d’investissement européens (fonds ESI) et les avantages concurrentiels indéniables qui en découlent, favorisant les concurrents européens au détriment des TPE et PME françaises. Les fonds ESI visent à soutenir la cohésion économique, sociale et territoriale et à atteindre les objectifs de la stratégie « Europe 2020 » de l’UE. Trois fonds relèvent de la politique de cohésion de l’UE : le Fonds européen de développement régional (FEDER) ; le Fonds social européen (FSE) ; le Fond de cohésion (FC). Il est à noter que la France n’est pas admissible au FC. Au cours de la période 2014-2020, 454 milliards d’euros provenant du budget de l’UE seront investis dans plus de 500 programmes relevant des fonds ESI. 121 milliards d’euros seront investis dans la recherche et l’innovation, les TIC et le soutien aux petites entreprises dans toute l’Europe. Force est de constater que pour de nombreuses petites entreprises françaises, ces fonds alloués aux petites entreprises polonaises, grecques ou portugaises, via le programme Compete 2020 par exemple, ont pour effet de créer des avantages concurrentiels intolérables. L’UE finance l’importation en France de produits étrangers moins chers subventionnés par de l’argent public français lui-même. De plus, les dossiers à remplir sont chronophages et complexes. Ils sont difficilement accessibles et l’administration française tend à complexifier davantage des procédures qui pourraient être rendues plus simples et plus rapides. C’est pourquoi il lui demande d’une part, ce que le Gouvernement entend faire afin de rectifier cette concurrence particulièrement rude et déloyale entre les produits des TPE-PME françaises et ceux importés subventionnés par les fonds ESI et d’autre part, ce qu’il compte prendre comme mesures visant à simplifier les dossiers d’accès aux aides européennes.
Réponse
Un des défis majeurs auquel l’Union européenne est confrontée est de garantir, au sein du marché unique, une concurrence juste et loyale entre des acteurs économiques issus d’Etats membres présentant des systèmes sociaux et fiscaux différents. Les autorités françaises ont ainsi fait de cet enjeu un de leurs axes prioritaires des négociations du cadre financier pluriannuel et de la politique de cohésion 2021-2027. En premier lieu, la France s’est engagée en faveur d’un recentrage de la politique de cohésion afin de mieux accompagner les régions avec un niveau de richesse par habitant proche de la moyenne européenne mais présentant des problématiques économiques et sociales liées à la transition écologique et numérique et à la reconversion de certaines activités économiques. A ce titre, l’extension de la catégorie des régions en transition aux régions dont la richesse par habitant se situe entre 75% et 100% de la moyenne européenne (contre 75% à 90% sur la période 2014-2020) devrait bénéficier à sept régions françaises (classification NUTS 2) et, selon des modalités qui seront notamment détaillées au niveau régional, à certains acteurs économiques qui y sont localisés. En second lieu, la France s’est engagée en faveur d’une politique de cohésion au service d’une convergence économique, sociale, et territoriale effective, en plaidant notamment pour l’introduction de conditionnalités claires (dans les domaines fiscal, social et de l’État de droit). Ces conditionnalités doivent constituer une contrepartie à la politique de solidarité qui s’exprime dans l’Union à travers la politique de cohésion et permettre de lutter contre certaines pratiques déloyales visant à attirer chez soi les activités économiques des autres Etats membres, tout en bénéficiant de fonds structurels élevés. L’adhésion des Etats les plus avancés et de leurs citoyens à l’objectif de solidarité et de convergence au sein de l’Union dépend de notre capacité collective à lutter contre de telles pratiques qui minent la convergence économique vers le haut, pèse sur la cohésion nationale et européenne, et in fine interroge sur les objectifs du projet européen. Dans ce contexte, la France a proposé la création d’une nouvelle conditionnalité sociale au versement des fonds européens, visant à conditionner l’accès aux fonds à la mise en œuvre progressive des principes du Socle européen des droits sociaux, proclamés en 2017. Trois principes sont principalement mis en avant : l’existence d’un salaire minimum, d’une protection sociale et de mécanismes de dialogue avec les partenaires sociaux. Si des progrès ont été atteints, notamment sur la bonne prise en œuvre du Socle européen des droits sociaux dans la programmation des fonds structurels, la mise en œuvre d’une véritable conditionnalité dans le domaine social ne fait pas encore l’unanimité chez nos partenaires européens. Les services du ministère de l’économie, des finances et de la relance restent pleinement mobilisés pour avancer sur ces sujets dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Par ailleurs, s’agissant de la complexité de la gestion des fonds structurels en France, le ministre partage ce constat. Au-delà des simplifications obtenues au niveau européen lors de la renégociation des règlements encadrant la mise en œuvre des fonds structurels, il faut aller plus loin et poursuivre ce travail au niveau national. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour parvenir à un déploiement plus rapide et sécurisé de ces fonds sur les territoires et pour rendre les bénéfices des politiques européennes plus concrets pour les citoyens et les acteurs économiques. A cette fin, le ministre tient à souligner que l’État et les Régions ont pris acte de la complexité croissante liée à la mise en œuvre des fonds européens et ont décidé lors du Comité État-Régions du 22 janvier dernier de faire de la simplification une priorité de la préparation de la prochaine programmation 2021-2027. Un travail conjoint d’analyse et de partage des bonnes pratiques visant à simplifier les procédures, à faciliter les démarches des porteurs de projets, à raccourcir les délais d’octroi et de paiement des aides, à limiter le nombre de pièces justificatives demandées, et à stabiliser les règles en vigueur tout au long de la vie d’un projet a été lancé. Un groupe de travail ad hoc va également être lancé et s’appuiera sur les retours d’expérience et propositions exprimées par les porteurs de projets lors de la concertation menée conjointement par l’Etat et les Régions. Sur la base de ses travaux, un ensemble de mesures sera proposée lors du prochain séminaire national d’information et de concertation partenariale sur les fonds européens 2021-2027.