Christophe NAEGELEN

Question n°30337 – Buralistes frontaliers

Question :

M. Christophe Naegelen appelle l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur les conséquences du confinement sur les buralistes frontaliers et les ventes de tabac. Pendant toute la période du confinement, alors que toutes les frontières limitrophes étaient fermées, les buralistes du département des Vosges et de l’Est en particulier, considérés comme buralistes frontaliers, ont vu leurs ventes de tabac exploser. Les buralistes frontaliers français ont simplement servi les fumeurs qui vont d’habitude se ravitailler chez les voisins européens. En dehors du tabac, ces commerces ont par ailleurs énormément perdu de chiffre d’affaires sur d’autres activités comme les jeux de la Française des jeux et du Pari mutuel urbain, la confiserie, les cadeaux, etc. Alors que la réouverture des frontières est prévue prochainement, dès la fin du mois de mai 2020, les ventes de tabac ont de nouveau baissé. C’est pourquoi il lui demande de lui communiquer le montant des recettes supplémentaires engendrées par la vente des produits du tabac chez les buralistes français pendant la durée du confinement. En effet cela permettrait d’estimer les pertes de recettes fiscales que subit l’État français lorsque les Français achètent leur tabac hors des frontières du pays.

Réponse

Le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Cela passe par une hausse régulière de la fiscalité sur les produits du tabac, adoptée par le Parlement fin 2017, qui s’est achevée au 1er novembre 2020. Il en résulte un accroissement du différentiel de prix avec nos partenaires européens, notamment avec les pays limitrophes. Ainsi avec l’Allemagne et le Luxembourg le différentiel de prix est respectivement de +36 % et +45 %. Pendant le confinement du printemps 2020, le Gouvernement a maintenu les débits de tabac ouverts, confirmant ainsi leur mission de commerçants de proximité. Dans des conditions difficiles, 90 % du réseau des 24 000 débitants a fonctionné au prix d’un aménagement des horaires d’ouverture. Cette période d’interruption générale d’activité a permis de constater chez certains débitants une hausse significative du chiffre d’affaires liée aux ventes de tabac, notamment en zone frontalière, en conséquence de la fermeture des frontières. Il a ainsi été observé en Moselle une hausse des ventes de tabacs en volume de +43 % en avril 2020 et de +14 % en mai 2020 par rapport à la même période en 2019. Le chiffre d’affaires a ainsi augmenté de +61 % en avril 2020 (chiffre d’affaires de 16 309 451 €) par rapport à avril 2019 (chiffre d’affaires de 10 125 514 €), et de +29 % en mai 2020 par rapport à mai 2019. En revanche, il semble délicat de communiquer le chiffre d’affaires de la vente de tabac pour les communes de Sarreguemines, Forbach et Thionville. La publication de telles données, dont il pourrait être aisément déduit la rémunération des buralistes concernés en raison de leur nombre réduit dans ces villes, pourrait en effet constituer une atteinte au droit des affaires. Afin de lutter davantage contre le phénomène d’achats transfrontaliers de produits du tabac, j’ai souhaité que, dès ma prise de fonctions, de nouvelles mesures soient rapidement adoptées. À cet effet, la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 modifie, à son article 51, les seuils de présomption de détention par les particuliers de tabacs manufacturés à des fins commerciales, prévus à l’article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont désormais abaissés à deux-cent cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux-cent cinquante grammes de tabac à fumer. Par cette mesure, le Gouvernement entend peser dans les négociations européennes afin d’introduire, dans le cadre de la révision prochaine de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011, des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres et d’harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs. D’ores et déjà, les efforts déployés par le Gouvernement afin de faire entendre ces arguments commencent à porter leurs fruits. A l’occasion de la publication le 10 février 2020 de son évaluation de l’efficacité de la directive 2011/64/UE, la Commission européenne a ainsi rappelé que celle-ci visait à « garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et, dans le même temps, un niveau élevé de protection de la santé, ainsi qu’à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et contre les achats transfrontaliers illégaux. » Elle a néanmoins déclaré que « l’impact de la directive sur la santé publique » avait été « modéré » et que «  le niveau du commerce illicite des cigarettes et du tabac fine coupe » demeurait « un défi sur les plans du contrôle de l’application, de la perte de recettes et de l’impact sur la prévalence du tabagisme ». Selon la Commission européenne, « il est nécessaire d’adopter une approche plus globale, tenant compte de tous les aspects de la lutte contre le tabagisme, y compris la santé publique, la fiscalité, la lutte contre le commerce illicite et les préoccupations environnementales ». Fort de cette position, le Gouvernement continuera de plaider pour une harmonisation des règles fiscales applicables aux produits du tabac auprès de ses partenaires européens au cours des prochains mois. Par ailleurs, la lutte contre les trafics de tabacs est une priorité absolue pour les services douaniers. Les nombreux contrôles menés par ces derniers s’inscrivent dans le plan de renforcement de la lutte contre le commerce illicite du tabac décidé en 2018. Celui-ci a conduit à intensifier les contrôles mis en œuvre par les services douaniers sur l’ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs, dont les autocars, le fret express, mais également la vente à la sauvette. Dans ce cadre, des contrôles renforcés sont menés dans les zones frontalières et dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions de contrôles conjoints douane-police et douane-gendarmerie sont ainsi proposées localement au préfet de région. Ces efforts sont bien évidemment maintenus en 2020 et mobilisent pleinement les effectifs douaniers, notamment depuis le 1er août, date d’application des nouveaux seuils prévus par l’article 575 I du CGI. Enfin, un nouveau « plan tabacs 2020 – 2021 » visant à lutter contre les trafics de cigarettes a été mis en place par les services douaniers. Il vient renforcer l’action de la douane en matière de renseignement, de ciblage des contrôles et de coopération interministérielle. Pour mémoire, ce sont plus de 360 tonnes de tabac de contrebande qui ont été saisies par les douanes en 2019 sur tout le territoire national, soit une augmentation de 49 % par rapport à l’année précédente.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-30337QE.htm