Christophe NAEGELEN

Question n°33777 Marchés publics – critères géographique et empreinte environnementale

Question :

M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur la possibilité d’instaurer un mécanisme de préférence locale pour l’attribution de marchés publics. La crise sanitaire de la covid-19 met en exergue le besoin impérieux pour le pays de reprendre sa réindustrialisation et de favoriser la commande nationale. Dans ce contexte, il apparaît indispensable de créer les outils adéquats afin de privilégier les entreprises implantées localement dans l’attribution des marchés. Promouvoir l’achat local dans la commande publique répondrait également aux préoccupations environnementales et écologiques fondamentales. Les acheteurs locaux doivent en effet participer à réduire l’empreinte écologique de leurs achats en limitant le transport et les émissions de polluants à l’occasion de l’exécution de leurs marchés. Néanmoins, les principes constitutionnels de la commande publique et les principes de non-discrimination et de liberté de circulation des personnes, des capitaux et des services énoncés dans les traités de l’Union européenne font obstacle à la prise en compte d’un critère géographique dans l’attribution des marchés publics. Cependant, au stade de l’attribution des marchés, il est possible pour les acheteurs de se fonder sur des critères tels que le développement des approvisionnements directs ou les performances en matière de protection de l’environnement. Il leur est ainsi possible, par exemple, d’apprécier la qualité des offres au regard de l’effort de réduction de gaz à effet de serre. Mais en pratique, la prise en compte de ce critère dans l’analyse de l’offre ne représente qu’une part insignifiante et sa portée en est ainsi limitée. À titre d’exemple, le marché de fournitures de bordures pour le prolongement du tramway T3 de la porte d’Asnières à la porte Dauphine, pour lequel le maître d’ouvrage est la ville de Paris, a posé les critères d’évaluation suivant : le prix 70 %, le délai 20 %, le bilan carbone 10 %. Dans ce contexte, il lui demande de bien vouloir étudier la possibilité de faire évoluer le code des marchés publics afin de permettre une meilleure prise en compte du critère géographique et de celui de l’empreinte environnementale pour l’attribution des marchés publics.

Réponse

Les principes constitutionnels et européens, dont sont issus les principes de la commande publique rappelés à l’article L. 3 du code de la commande publique, interdisent d’attribuer les marchés publics sur la base d’une préférence locale ou nationale. La Cour de Justice de l’Union européenne rappelle, de façon régulière, l’interdiction de recourir à des critères visant à réserver les marchés publics à des entreprises en raison de leur implantation locale, de leur nationalité, ainsi que le recours à des critères relatifs à l’utilisation de produits locaux, au détriment des entreprises et des produits originaires d’autres pays membres de l’Union européenne. Le code de la commande publique permet toutefois aux acheteurs de formuler leurs besoins en fournitures, services et travaux, selon des spécifications techniques et des conditions d’exécution qui visent à promouvoir les offres de qualité, innovantes et protectrices de l’environnement, caractéristiques sur lesquelles les entreprises françaises et européennes sont à leur avantage. Le code de la commande publique impose aux acheteurs, lorsqu’ils définissent leurs besoins, de prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale (article L. 2111-1). L’allotissement, qui facilite l’accès des PME à la commande publique, est par ailleurs une obligation de principe. Le choix des critères d’attribution des marchés et leur pondération peuvent également permettre de rétablir l’équilibre au bénéfice des offres européennes et nationales. Les dispositions du code de la commande publique n’imposent pas de méthode de pondération des critères, dès lors que ces derniers sont objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution (article L. 2152-7 du code de la commande publique). L’acheteur est et doit rester libre d’instituer une pondération plus favorable à un critère environnemental, à un autre critère caractérisant la valeur technique des fournitures, des services ou des travaux, ou au critère du prix. C’est, en effet, la condition pour obtenir l’offre économiquement la plus avantageuse pour la satisfaction des besoins de chaque collectivité publique, établissement public ou entreprise publique, en fonction de ses priorités, de ses spécificités et de ses moyens. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets permet de renforcer la prise en compte de la protection de l’environnement, à la fois dans la définition des conditions d’exécution des prestations, et dans les critères utilisés pour l’attribution des marchés. En outre, la mise en œuvre du plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD), ainsi que la refonte des cahiers des clauses administratives générales, permettront de renforcer les incitations à poursuivre des politiques publiques prioritaires dans le domaine économique et environnemental.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-33777QE.htm