Christophe NAEGELEN

Question n°42053 – Commerce illégal et international d’animaux sauvage

Question :

M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur les contrôles qui sont mis en place pour lutter contre le commerce illégal et international d’animaux sauvages et de produits issus d’animaux sauvages et sur leur rôle dans la propagation de zoonoses. La pandémie de covid-19 a montré à quel point les maladies zoonotiques ont le potentiel pour être grandement préjudiciables à la santé, à la vie humaine et à l’économie, mais aussi à la réalisation des objectifs de développement durable et au bien-être social. D’autres pathologies d’origine animale comme Ebola, le MERS, le SARS, le VIH, la tuberculose bovine, la rage et la leptospirose ont également eu des impacts dramatiques. On estime que les zoonoses sont responsables de plus de deux milliards de cas de maladies humaines et de plus de deux millions de décès humains chaque année. En effet, 60 % des maladies infectieuses émergentes sont zoonotiques et 70 % de ces dernières proviennent d’animaux sauvages. Parmi les pistes de l’OMS sur l’origine de la covid-19 figure celle de son émergence au marché d’animaux sauvages de Wuhan en raison de la proximité entre humains et animaux. Il a par ailleurs été démontré que le commerce d’animaux sauvages et de produits qui en sont issus favorise l’émergence de pathologies et leur propagation. Compte tenu des multiples risques, évoqués précédemment, que cette activité représente, il souhaiterait savoir comment le Gouvernement lutte contre le commerce illégal et international d’animaux sauvages en France et entend agir lors du prochain sommet du G20 en faveur d’un consensus global.

Réponse

Au regard des liens désormais bien établis entre la dégradation de la biodiversité et le risque d’émergence de zoonoses et leur propagation, la France est fortement impliquée pour lutter contre le commerce illicite d’espèces sauvages, qui nécessite, en premier lieu, de réguler le commerce international. En tant qu’État partie à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), la France met en œuvre, à travers la réglementation européenne, les obligations qui en découlent, en contrôlant ou en interdisant le commerce des espèces sauvages menacées et inscrites, à ce titre, aux annexes de la CITES. Lors de la CoP18 de la CITES, qui s’est tenue en août 2019 à Genève, la France a tenu des positions ambitieuses. Elle a été à l’origine de l’encadrement strict (inscription en Annexe II) du commerce de concombres de mer et a exercé une action déterminante dans l’adoption de mesures similaires pour les requins-taupes, les mygales, les girafes et l’interdiction de la capture d’éléphants dans leur milieu naturel pour les envoyer en dehors de leur aire de répartition. En outre, la France accueillera à Lyon, en mars 2022, la réunion du Comité permanent de la CITES, échéance majeure pour préparer la CoP19 qui se tiendra, en novembre prochain, au Panama. La lutte contre le commerce illégal des espèces sauvages s’inscrit également dans le renforcement de la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale. La prise de conscience des dangers inhérents aux trafics de certaines espèces, accélérée par la pandémie de la Covid-19, a créé un contexte favorable qui a permis d’obtenir des progrès significatifs dans le cadre des Conventions de Mérida (corruption) et de Palerme (criminalité organisée). Deux résolutions ont ainsi été adoptées sur initiative française en décembre 2019, puis en octobre 2020. Elles prescrivent que la lutte contre les crimes portant atteinte à l’environnement doit faire l’objet d’une coopération accrue entre les États signataires et prévoient de mobiliser les instruments spécifiques liés à ces deux conventions pour lutter contre ce phénomène : entraide judiciaire, techniques spéciales d’enquête, techniques d’investigation financière, protection des témoins, recours pour les victimes, etc. La Déclaration des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale, adoptée lors du Congrès de Kyoto en mars 2021, a constitué une autre étape importante, grâce à l’adoption d’une définition internationale plus complète, qui reprend les cinq catégories de crimes environnementaux reconnus par l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement : le commerce illégal d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereux et toxiques et l’exploitation et le commerce illégal de minerais. Lors de la 30e session de la Commission pour la prévention du crime et de la justice pénale (CPCJP), qui s’est tenue à Vienne du 17 au 21 mai 2021, la France a porté une nouvelle résolution, qui sera endossée par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2021. Ce texte donne un mandat explicite à l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC) pour renforcer les capacités des États en matière de lutte contre la criminalité environnementale et développer une coordination des agences en la matière : ONUDC, Interpol, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). La mobilisation de la France contre le commerce illégal des espèces sauvages se déploie également dans d’autres enceintes multilatérales, y compris le G7 et le G20. La France a promu la lutte contre la criminalité environnementale dans le cadre de sa présidence du G7. Les ministres de l’intérieur se sont ainsi engagés, en avril 2019 à Paris, à mettre en œuvre 10 priorités dans ce domaine (adaptation des législations nationales et des moyens des forces de l’ordre ; lutte contre le blanchiment associé et les nouveaux modes de trafics associés à cette forme de criminalité ; renforcement de la coopération internationale notamment). Cet engagement s’est poursuivi lors de la réunion des ministres de l’intérieur du G7 de 2021 à Londres, dont la déclaration rappelle la priorité donnée à la lutte contre les crimes affectant l’environnement. La France a également porté la lutte contre le trafic des espèces sauvages lors du congrès mondial de l’UICN en septembre 2021. A l’initiative de Paris, une motion a ainsi été adoptée sur l’approche « une seule santé », qui souligne les liens intrinsèques entre santés humaine, animale et des écosystèmes. Cette motion appelle notamment les membres de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), y compris les États, à réguler la consommation et le commerce des espèces sauvages. Enfin, dans la déclaration du Sommet du G20 de 2021, la France a soutenu le renforcement du langage sur la criminalité environnementale et la lutte contre le commerce illégal des espèces sauvages. Le G20 s’est ainsi engagé à prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce commerce. En complément de sa lutte contre le trafic des espèces sauvages, la France porte l’approche « Une seule santé » afin de prévenir l’émergence ou la réémergence de futures zoonoses. Elle fait partie des soutiens historiques de cette approche, dont la pertinence a été soulignée par la crise de la Covid-19. Plusieurs initiatives lancées par la France depuis le début de la crise sanitaire en témoignent. Ainsi, lors de la réunion de l’Alliance pour le multilatéralisme, organisée le 12 novembre 2020 à l’occasion du Forum de Paris sur la paix, la France et l’Allemagne ont proposé la création du Panel d’experts de haut niveau « Une seule santé » par les 4 organisations internationales compétentes : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et le PNUE. Le panel, qui s’est réuni en mai et en juillet derniers, émettra des recommandations à l’intention des décideurs internationaux et des sociétés civiles afin de prévenir les zoonoses. Par ailleurs l’initiative internationale Preventing Zoonotic Diseases Emergence (PREZODE) a été annoncée par le Président de la République lors du Sommet One Planet du 11 janvier 2021. Elle vise à renforcer les coopérations et à mettre en réseau, à l’échelle mondiale, les travaux de recherche et actions opérationnelles pour prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies grâce à la réduction des pressions sur la biodiversité, conformément à l’approche « Une seule santé ». Elle permettra d’améliorer les connaissances sur les risques d’émergence et de propagation des zoonoses, de renforcer les activités de surveillance des différents réseaux, et de contribuer à la prévention des maladies émergentes. Cette initiative compte désormais cinq États et une soixantaine de centres de recherche et d’universités.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-42053QE.htm