Question :
M. Christophe Naegelen attire l’attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les difficultés administratives liées à l’obtention des permis de construire. La procédure des demandes de permis de construire est encore trop bureaucratique et déconnectée de la réalité du terrain. En France, élus ou riverains font face à des difficultés en matière d’urbanisme, quel que soit le régime juridique qui s’applique. Si la commune relève du régime du règlement national d’urbanisme, les constructions ne sont autorisées que dans les parties actuellement urbanisées. De ce fait, lorsque l’on envisage de construire autre part qu’au centre de la commune, la situation se complique et les élus se trouvent alors très souvent confrontés à des services de l’État ayant une conception très restrictive de cette notion de PAU. Ainsi ils donnent fréquemment un avis négatif, alors même que les projets, comme ceux dans sa circonscription, auront un impact positif : construction d’une maison adaptée aux besoins de personnes âgées ou d’une entreprise pour dynamiser une petite commune rurale. Si la commune relève d’un document d’urbanisme, tel qu’un PLU ou PLUI, les élus ruraux rencontrent les mêmes difficultés mais les explications données sont différentes ! Là, ce sont les commissions départementales, en charge des espaces agricoles, qui peuvent avoir un raisonnement plus bureaucratique qu’en adéquation avec la réalité du terrain et sans réelle concertation avec les élus locaux. Alors que la demande de permis de construire s’accroît (+ 19 % depuis 2021), les élus ont vu la superficie des espaces constructibles dans leurs communes fortement restreinte au fil des années et souvent au profit des communes démographiquement plus importantes ! Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour introduire plus de souplesse et de réalisme dans l’application des textes au niveau local et plus particulièrement dans les petites communes rurales.
Réponse
Le principe de constructibilité limitée, applicable aux communes dépourvues de plan local d’urbanisme (PLU) ou de document de planification urbaine en tenant lieu, impose de retreindre les constructions ou installations aux parties urbanisées de la commune. L’objectif est d’inciter les communes à organiser la gestion de leur sol et à lutter contre l’urbanisation dispersée. Le Gouvernement a toutefois conscience qu’une souplesse est parfois nécessaire. Pour cette raison sont autorisées certaines constructions en dehors des parties actuellement urbanisées lorsqu’elles sont justifiées par les nécessités de l’agriculture, la réalisation des équipements publics, la protection du voisinage ou la sauvegarde des droits acquis. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a d’ailleurs introduit la possibilité de réaliser hors parties urbanisées et sous certaines conditions des constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles. La commune peut également autoriser par délibération motivée du conseil municipal des constructions ou installations en dehors des parties urbanisées de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale. Les parties non urbanisées des communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU) ne sont donc pas totalement inconstructibles. Quant à la définition de la partie urbanisée d’une commune, il s’agit d’une zone regroupant « un nombre suffisant d’habitations desservies par des voies d’accès » (Conseil d’État, 30 octobre 1987, Mme Cadel, n° 81236). La densité en constructions de la zone considérée et l’existence de voies d’accès/d’équipements constituent ainsi les critères principaux dont il faut tenir compte. Toutefois, l’appréciation du caractère urbanisé d’un secteur dépend étroitement des circonstances locales, notamment du type d’habitat, dense ou plus diffus, que l’on trouve dans les environs. Dès lors, il ne saurait y avoir de définition générale et encore moins de critères nationaux. Cette notion est laissée à l’appréciation de l’autorité locale, sous le contrôle du juge, ce qui permet davantage de souplesse et de différenciation. Plusieurs éléments pourront alors être appréciés comme la distance, la vocation de la zone, l’appartenance à un compartiment déjà urbanisé ou pas et l’existence ou non d’une coupure d’urbanisation. En toute hypothèse, il sera nécessaire que la partie du territoire communal concernée comporte alors « un nombre et une densité significatifs de constructions », pour pouvoir être qualifiée de « partie actuellement urbanisée » (Conseil d’Etat, 29 mars 2017, Commune de Saint-Bauzille-de-Putois, n° 393730). Un élément de complexité tient parfois à la qualification de la frange de la zone construite. Elle peut être considérée comme une partie urbanisée sauf rupture objective (par exemple : dénivelé, rupture physique). En tout état de cause, si les constructions peuvent être autorisées dans les franges des parties urbanisées, il convient de vérifier que le projet s’intègre dans la partie déjà urbanisée et que la dimension du projet n’a pas pour effet d’étendre les parties urbanisées. Si toutes ces conditions ne sont pas respectées, les services de l’État, qui instruisent les autorisations de construire dans les communes soumises au RNU, sont fondés à proposer un refus d’autorisation, le préfet tranchant en dernier lieu en cas de désaccord de la commune. La commune a aussi la possibilité d’élaborer une carte communale, document simple à mettre en œuvre et peu coûteux qui permet de dégager plus de possibilités de construire que dans le cas de l’application du seul RNU. Dans les communes dotées d’un PLU, les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA), dénommées commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, sont effectivement amenées à intervenir. Ce sont des acteurs importants de l’urbanisme en zones rurales. Leurs compétences ont été plusieurs fois modifiées depuis leur création en 2010, notamment en ce qui concerne leur avis qui peut être un avis conforme. Leur composition a été modifiée récemment par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale afin d’y améliorer la représentativité des élus. Les élus concernés par un projet pourront, de droit, être auditionnés par la CDPENAF s’ils en font la demande. Sur les vingt-sept cas de consultation de la CDPENAF, seuls trois, circonscrits aux cas ayant le plus d’impact sur les zones concernées, donnent lieu à un avis conforme pour les autorisations de construire. D’après les études réalisées par le Ministère de l’agriculture, les trois quarts des avis de la CDPENAF sont des avis favorables. L’examen d’un projet en CDPENAF contribue à l’amélioration des projets en veillant à accompagner élus et porteurs de projets. Cet accompagnement a souvent lieu avant l’examen et permet de proposer des améliorations du projet et ainsi d’éviter des refus brutaux ou des contentieux ultérieurs, chronophages et coûteux pour les communes. L’objectif étant toujours l’obtention d’une autorisation juridiquement robuste et respectueuse des zones agricoles et naturelles. L’équilibre actuel et les différentes marges de manoeuvre disponibles apparaissent ainsi satisfaisantes. Il est désormais important que les services de l’Etat et les commissions poursuivent l’accompagnement des porteurs de projet, en particulier dans les zones rurales pour mobiliser l’ensemble des possibilités offertes par la réglementation actuelle.