Question :
M. Christophe Naegelen attire l’attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, sur l’article L 145-46-1 du code du commerce. Cet article institué par la loi n° 2014-624 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, confère au locataire d’un bien immobilier à usage commercial un droit de préférence sur le bien immobilier lors de sa mise en vente. En effet, lors de la vente dudit bien, le propriétaire bailleur doit notifier à son locataire les conditions de mise en vente. Cette notification vaut offre de vente au locataire. Par la suite, ce dernier dispose d’un délai de deux à quatre mois pour faire connaître sa décision d’acquérir ou non ledit bien aux conditions proposées. Le droit de préférence s’applique dès que le bien est soumis au statut des baux commerciaux, quelle que soit sa nature. Auparavant, lorsque ce droit de préférence n’existait pas, le locataire avait peu de chance d’accéder à la propriété dudit bien. Cependant, des failles existent dans cet article car le bailleur n’est pas protégé par de potentielles manœuvres du locataire. En effet, rien n’interdit au locataire commercial de se porter acquéreur du bien, en application de ce droit de préférence, et ce pour réaliser des opérations de commerce sous le régime « marchands de bien » (achat pour revendre). Ainsi, le locataire a la possibilité d’user de cette préférence pour acquérir le bien et pour le revendre à un meilleur prix, sans avoir à effectuer de travaux et après avoir résilié, de fait, le bail. En effet, le bien, devenu libre de contraintes locatives, peut retrouver une meilleure valeur vénale sur le marché. De plus, l’opération d’achat pour revendre/marchand de bien s’effectue avec une fiscalité réduite et un délai de vente accordé de cinq ans. Enfin, le locataire, lors de cette opération de revente, doit simplement modifier l’objet social pour y ajouter les opérations de marchand de biens et faire une modification d’activité auprès du greffe du tribunal de commerce. Ainsi, il interroge le Gouvernement sur la validité, au vu de l’esprit de la loi de 2014 et de l’article L. 145-46-1 inséré au code du commerce, de l’usage par le locataire de son droit de préférence pour réaliser une opération de commerce d’achat revente/marchand de bien.
Réponse
L’article L. 145-46-1 du code de commerce issu de l’article 14 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a instauré un droit dit de préemption ou de préférence au profit du locataire en cas de vente, volontaire, par le propriétaire du local commercial ou artisanal dans lequel il exerce son activité. Ce texte a pour objectif de renforcer la propriété commerciale et de favoriser la pérennité de l’entreprise. L’exercice par le locataire commercial de son droit de préemption n’est soumis à aucune condition de poursuite de son activité commerciale dans les lieux acquis pendant une période déterminée. Devenu propriétaire du local qu’il exploite commercialement, le nouvel acquéreur dispose librement de son bien, à l’instar de tout propriétaire, qu’il peut continuer d’exploiter ou qu’il peut, plutôt que de valoriser le fonds de commerce qu’il y a développé, choisir de revendre libre de toute occupation s’il y trouve un intérêt financier. Restreindre la revente du local acquis en application d’un droit de préemption constituerait une atteinte forte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre du commerçant acquéreur. Propriétaire d’un fonds de commerce comprenant un droit au bail commercial, le locataire usant de son droit de préemption réunit alors sur sa personne la qualité de propriétaire du fonds de commerce et du local commercial, qu’il est ensuite libre de dissocier. Il faut rappeler que le droit de préemption prévu par la loi du 18 juin 2014 ne trouve à s’appliquer que lorsque le propriétaire des murs fait le choix de vendre, c’est-à-dire qu’il est exclu en cas de vente contrainte, et que le bail commercial conclu sur son bien a conféré au propriétaire des revenus consistant en la perception des loyers commerciaux. De surcroît, la liberté contractuelle permet déjà au bailleur qui justifie d’un intérêt sérieux et légitime, lorsqu’il souhaite vendre, d’assortir son offre de vente d’une obligation pour l’acquéreur de maintenir l’activité commerciale en cours dans les lieux ou d’introduire une clause d’inaliénabilité, pendant une durée limitée afin de ne pas vider le droit de propriété cédé de toute substance. Le locataire qui souhaiterait faire usage de son droit de préemption ne pourrait qu’accepter purement et simplement ces conditions qui lui sont notifiées, toute contre-proposition ne valant pas acceptation de l’offre. Il n’est donc pas envisagé d’adopter de dispositions visant à contraindre le locataire commercial qui use de son droit préemption lors de la vente du local commercial dans lequel il exerce son activité commerciale à maintenir celle-ci pendant une certaine durée ou à lui interdire de revendre le bien libre de toute occupation.