Question :
M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la limite de 30 % de taux d’endettement pour pouvoir contracter un nouvel emprunt pour des foyers souhaitant investir dans l’immobilier, rénover leurs habitations ou construire et ayant les moyens de le faire. En ce sens, la décision prise par le Haut Conseil de la stabilité financière le 29 septembre 2021, une décision relative aux conditions d’octroi de crédits immobiliers (décision D-HCSF-2021-7), conditionnant les emprunts à un taux d’endettement de devant pas dépasser les 30 %, méconnaît totalement les capacités effectives de remboursement des foyers demandeurs. En effet, il semble injustifié de ne pas prendre en compte le montant de reste à vivre des foyers demandeurs, alors que c’est celui-là même qui permettra aux emprunteurs de rembourser la banque. Ainsi, cette mesure bloque des projets de rénovations énergétiques, allant à l’encontre des engagements internationaux en faveur d’une neutralisation de l’impact carbone. Aussi, si une limite des emprunts de crédits immobilier semble cohérente avec l’équilibre économique du pays, celle-ci ne peut résulter en un blocage de projets de construction immobilière justifiés financièrement et nécessaires face à la crise du logement à laquelle la France face. La régulation des crédit ne peut être basée que sur des critères compréhensifs, dont la prise en compte du reste à vivre des demandeurs. Il l’interroge sur sa volonté à faire évoluer une telle règlementation afin d’être plus en adéquation avec la réalité des situations.
Réponse
Le ralentissement de la production du crédit est suivi de très près par le Gouvernement. Il est principalement dû au resserrement de la politique monétaire et traduit sa transmission à l’économie réelle. En effet, la baisse de la demande des ménages est causée par une hausse rapide des taux d’intérêts immobiliers et constitue la raison principale de la baisse de la production de crédit. Récemment, les taux d’intérêts tendent toutefois vers une stabilisation, notamment car les taux directeurs de la BCE semblent avoir atteint un plancher depuis septembre 2023. S’agissant de la mesure D-HCSF-2021-7, celle-ci cible l’offre de crédit en encadrant les conditions d’octroi, en se basant sur les bonnes pratiques que constituent en particulier la maîtrise du taux d’effort des emprunteurs et le caractère raisonnable de la maturité. Ainsi, elle fixe un taux d’effort maximal des emprunteurs à 35 % et la maturité maximale du crédit à 25 ans. La décision dégage une marge de flexibilité de 20 % de la production trimestrielle des banques. Le Haut Conseil, ne pouvant pas directement agir sur la demande de crédit, doit toutefois s’adapter à un nouveau contexte de conditions financières, différent de la situation en 2021. À ce titre, la décision a été assouplie en juin 2023 et en décembre 2023 : au sein de la marge de flexibilité, au moins 70 % (au lieu de 80 % précédemment) de la flexibilité maximale doit être réservée aux acquéreurs de leur résidence principale et au moins 30 % aux primo-accédants. Les 30 % restant de flexibilité maximale (soit 6 % de la production trimestrielle, au lieu de 4 % précédemment) sont libres d’utilisation. Cependant, les banques sous-utilisent actuellement cette marge de flexibilité selon des données disponibles sur le site du Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Des ajustements techniques ont été annoncés lors de la séance du Haut Conseil de stabilité financière de décembre du HCSF, avec comme objectif de ne pas freiner l’offre de crédit, tout en respectant les grands objectifs de stabilité financière. La décision D-HCSF-2021-7 a en effet pour vocation d’assurer la pérennité des bonnes pratiques d’octroi de crédit immobilier. Le HCSF souhaite ainsi prévenir un niveau d’endettement trop élevé des ménages qui accentuerait leur possible vulnérabilité face aux crises futures. En premier lieu, il a été décidé que le respect du seuil de flexibilité serait apprécié par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur trois trimestres glissants, ce qui permet aux banques un ajustement plus souple. Les banques peuvent donc tout à fait octroyer des crédits « non-conformes » aux ménages particulièrement solvables, en particulier pour les acquéreurs d’une résidence principale et les primo-accédants. En deuxième lieu, les prêts relais sont exclus du calcul du taux d’effort sous condition de quotité de financement de 80 % au maximum. Les prêts relais ne sont pas soumis à la décision D-HCSF-2021-7 et le remboursement du capital était déjà exclu du calcul du taux d’effort. Exclure en outre la charge des intérêts du calcul du taux d’effort au moment de l’octroi de crédit permet de faciliter l’accès aux crédits relais aux ménages souhaitant déménager. La condition sur la quotité de financement permet de prévenir le risque associé à un retournement du marché immobilier en cas de difficulté de vente du bien. En troisième lieu, le HCSF facilite la possibilité d’allongement de la maturité avec un différé d’amortissement. La décision D-HCSF-2021-7 dégage la possibilité d’un différé d’amortissement dans le cas d’une entrée en jouissance du bien décalée par rapport à l’octroi de crédit, d’une durée analogue à celle de ce décalage, dans la limite d’une durée maximale de 27 ans. Ce décalage a lieu dans le cas de la construction d’un logement neuf, ou dans le cas de travaux représentant moins 10 % du coût total de l’opération (contre 25 % auparavant). Enfin, le HCSF soutient la mise en place par la Fédération bancaire française (FBF) d’un dispositif offrant la possibilité d’un réexamen pour les ménages solvables dont la demande de crédit immobilier aurait été refusée. Ce dispositif n’entre pas dans les compétences du HCSF, mais permettrait d’objectiver certains blocages sur le marché du crédit immobilier.