Question :
M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’intérieur sur les moyens dont disposent les forces de l’ordre en matière d’informations sur les personnes et plus précisément sur les bases de données relatives à l’immigration et à la sécurité relevant du ministère de l’intérieur auxquelles les policiers ont accès. Aujourd’hui de nombreux fichiers sont élaborés et tenus par les préfectures, la police aux frontières, les services de l’immigration, les tribunaux, les commissariats, etc. Dans le cadre d’enquêtes de police, ces fichiers peuvent s’avérer très utiles. Or ils ne sont pas interconnectés à ce jour. Une interconnexion des fichiers tels qu’Eurodac, Visas biométriques, le fichier des traitements des antécédents judiciaires (TAJ), le fichier des personnes recherchées (FPR), le fichier national des étrangers (FNE), l’application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d’armes (AGRIPPA), la plateforme d’harmonisation d’analyse de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS), le fichier des objets et des véhicules signalés (FOVES), etc., serait de nature à améliorer grandement l’efficacité des enquêtes et à accroître les moyens mis à disposition des forces de l’ordre dans le cadre de leurs fonctions. En effet, le recoupement d’informations serait alors automatique, ce qui permettrait un grand gain de temps et l’amélioration du traitement des enquêtes et éviterait les erreurs manuelles. C’est pourquoi il lui demande s’il est prévu de procéder à une telle interconnexion des fichiers de son ministère.
Réponse
Dans le cadre de leurs fonctions de prévention des atteintes à la sécurité publique, de prévention des infractions pénales et des poursuites en la matière, les forces de l’ordre disposent de plusieurs traitements automatisés de données à caractère personnel en matière d’immigration et de sécurité. Ces différents traitements sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. L’article 4 de cette loi dispose que les données à caractère personnel doivent être « collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ». Dans sa décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée ». Ces principes ont été renforcés depuis l’entrée en vigueur, en mai 2018, du nouveau paquet européen sur la protection des données, constitué du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) et de la directive (UE) 2016/680 du même jour applicable aux traitements relevant de la matière pénale. Dès lors, si le cadre juridique de la protection des données à caractère personnel ne s’oppose pas, sur le principe, à l’interconnexion de plusieurs traitements, une telle interconnexion doit être justifiée au regard de la finalité de chacun des traitements concernés et présenter un caractère proportionné. Certains traitements mis en œuvre par le ministère de l’intérieur font déjà l’objet d’interconnexions ou de mises en relation. Tel est le cas, par exemple, du fichier des personnes recherchées (FPR). Autorisé par le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 en vue de faciliter les recherches, les surveillances et les contrôles effectués par les services de police et de gendarmerie, le FPR est mis en relation avec plusieurs autres traitements, tels que le traitement dénommé « PARAFE » (passage rapide aux frontières extérieures), à des fins de contrôle aux frontières ou encore le traitement France-Visas, qui interroge automatiquement le FPR dans le cadre de l’instruction des demandes de visas. Les actes règlementaires encadrant chacun de ces traitements prévoient expressément la consultation du FPR afin de déterminer si une personne fait l’objet de recherches ou de mesures de surveillance. Ainsi, l’interconnexion de traitements de données à caractère personnel présente un intérêt incontestable sur le plan opérationnel, de nature à améliorer l’efficacité des enquêtes et à accroître les moyens mis à la disposition des forces de l’ordre pour l’exécution de leurs missions. Par ailleurs, conformément à l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978 précité, chacun des traitements mis en œuvre par le ministère de l’intérieur répond à des besoins bien spécifiques et s’inscrit dans un cadre juridique déterminé, qu’il s’agisse d’une procédure judiciaire ou administrative. Au titre des garanties apportées par ce cadre juridique figure la limitation des catégories de personnes autorisées à accéder aux traitements concernés ou pouvant être rendues destinataires des données qui y sont conservées. À ce titre, la mise en œuvre d’une interconnexion entre plusieurs traitements conduit nécessairement à élargir le champ des personnes pouvant accéder ou être rendues destinataires des données collectées par chacun de ces traitements. Cette opération pouvant avoir des conséquences pour les droits des personnes concernées, il convient d’en évaluer, au cas par cas, la légitimité et la proportionnalité. Par ailleurs, s’agissant de certains traitements portant sur des données particulièrement sensibles, à l’instar des données biométriques, la mise en place d’une interconnexion avec d’autres traitements doit être fondée sur des motifs particulièrement étayés et assortie de garanties renforcées. Par conséquent, le ministère de l’intérieur n’envisage pas de procéder à l’interconnexion de l’ensemble de ses fichiers relatifs à l’immigration et à la sécurité. De telles interconnexions ou mises en relation sont déployées de manière ponctuelle, lorsque cette opération est jugée légitime et nécessaire et à condition qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des personnes.