Question :
M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’économie et des finances sur l’application de la législation en matière de commande publique. En raison de trop nombreuses exceptions au principe d’allotissement dans les marchés publics de construction, beaucoup de PME-PMI n’ont accès à la commande publique que comme sous-traitantes d’entreprises générales. Le droit actuel de la commande publique laisse toute latitude aux titulaires pour désigner des sous-traitants, y compris après l’attribution du marché, ou en changer. Cette liberté ne prend jamais en compte les impacts économiques, fiscaux et sociaux. Des entreprises sous-traitantes établies en France peuvent ainsi être écartées tardivement, notamment au profit de sous-traitants européens ou extra-européens. Les conséquences de ces choix sont dommageables pour les recettes des budgets de l’État, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale. Il est essentiel que les acheteurs publics exercent toutes leurs responsabilités économiques, sociales et environnementale lors de l’attribution et de l’exécution des marchés publics y compris par un examen attentif des conditions de sous-traitance. Au moment où le nouveau code de la commande publique va entrer en vigueur, il souhaiterait connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour inciter les acheteurs publics à favoriser les pratiques responsables en matière de sous-traitance.
Réponse
L’allotissement constitue l’un des principes cardinaux du droit de la commande publique tant au niveau européen que national. Il est destiné, par une structuration pertinente du projet de marché, à susciter la plus large concurrence entre les entreprises et leur permettre, quelle que soit leur taille, d’accéder à la commande publique. Tous les marchés publics doivent être passés en lots séparés lorsque leur objet permet l’identification de prestations distinctes, sauf s’ils entrent dans l’une des exceptions prévues à l’article L. 2113-11 du code de la commande publique. Les marchés de construction, de par leur complexité technique et les enjeux financiers associés, peuvent entrer dans le champ des exceptions autorisées et donner lieu à des marchés globaux, qui sont ensuite partiellement sous-traités par les entreprises générales titulaires. Afin de mettre en valeur les bons usages, dans le cadre de l’observatoire économique de la commande publique (OECP), un nouveau guide opérationnel pour « faciliter l’accès des TPE/PME à la commande publique » est en cours de rédaction par des acheteurs publics et des fédérations professionnelles et rappellera le principe de l’allotissement, tant sur le plan réglementaire que sur celui des pratiques d’achat (illustrations). La publication de ce guide est prévue en juin 2019. Concernant plus particulièrement les modalités de sous-traitance, s’il est loisible au titulaire d’un marché public de sous-traiter l’exécution d’une partie des prestations du marché tout au long de son exécution, le code de la commande publique encadre toutefois cette pratique. En effet, le titulaire ne peut recourir à la sous-traitance qu’à la condition de l’avoir déclarée à l’administration et d’avoir obtenu l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement (article L. 2193-4). Dans ce cadre, l’acheteur doit alors procéder à certaines vérifications, notamment en matière fiscale et sociale. Par ailleurs, il peut exiger que certaines tâches essentielles du marché soient effectuées directement par le titulaire (article L. 2193-3, alinéa 2). Il peut également solliciter la communication du contrat de sous-traitance qui lie le titulaire et son fournisseur, dans une logique de transparence qui contribuera à la bonne exécution du marché. La personne publique ne peut cependant pas s’immiscer dans cette relation contractuelle de droit privé. L’acheteur ne peut pas non plus exiger qu’un sous-traitant éventuellement présenté lors de la remise d’une offre soit conservé pour l’exécution du marché, car le titulaire est seul responsable de la bonne réalisation des prestations. Néanmoins, une bonne pratique (qui sera valorisée dans le guide TPE/PME précité) peut consister à demander plus fréquemment aux entreprises de présenter leurs futurs sous-traitants dès le stade des offres, afin de sensibiliser les acheteurs publics à la problématique évoquée par l’auteur de la question et de responsabiliser les titulaires de marchés. Le renforcement du suivi de la sous-traitance par les acheteurs se manifeste également à l’article R. 2193-9 du code de la commande publique qui impose le contrôle des offres anormalement basses jusqu’au niveau des sous-traitants.