Christophe NAEGELEN

Question au Gouvernement n°2934 – Réouverture des écoles

M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, pourquoi avez-vous décidé de remettre les plus petits en premier sur les bancs de l’école, et surtout dans de telles conditions, alors qu’une majorité d’autres pays, vous le savez, ont décidé de reporter la rentrée au mois de septembre ou bien de commencer par les élèves qui peuvent adopter les mesures sanitaires de base ? Même si comparaison n’est pas raison, la singularité de la France a de quoi inquiéter : comment peut-on imaginer que des enfants de maternelle puissent comprendre et respecter le maintien de la distanciation physique et l’application des gestes barrières ? Ces deux fondamentaux que vous mentionnez dans le protocole sanitaire édicté pour la réouverture des établissements sont irréalisables avec des enfants de moins de 10 ans. Vous prenez donc le risque de multiplier de nouveaux clusters, avec des porteurs du virus asymptomatiques.

Monsieur le ministre, n’avez-vous pas plus conscience du malaise des professeurs ? Le personnel de l’éducation nationale a fait un travail magnifique. Le corps enseignant, et je tiens à lui rendre hommage, a répondu présent depuis le début de cette crise sanitaire pour être au plus près des élèves, les accompagner et prendre en charge les enfants dont les parents étaient mobilisés. Ils étaient volontaires pour reprendre les cours dans les établissements, mais au vu de l’impréparation et des annonces changeantes du Gouvernement, on comprend leur angoisse grandissante – angoisse partagée d’ailleurs par les parents d’élèves.

Et puis, à quelques semaines de la fin de l’année scolaire, quels sont les arguments pédagogiques pour cette rentrée précipitée ? Monsieur le ministre, où est donc le bon sens dans votre décision ? 

M. Jean-François Eliaou. Oh là là !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le député, si vous faites une comparaison internationale, je peux faire la mienne : beaucoup de pays s’engagent comme nous à réintégrer d’abord les élèves du primaire, je pourrai vous en fournir la liste. La France n’est absolument pas dans une situation unique.

M. Christophe Naegelen. Je sais, il y en a d’autres.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Je ne vois donc pas pourquoi vous avez décrit les choses comme vous venez de le faire.

Quels sont les arguments en faveur d’une réouverture au mois de mai ? Ils sont d’ordre social et sanitaire. L’argument social, dès lors que l’on considère que l’école est indispensable, c’est qu’elle l’est encore plus pour les plus jeunes. Le décrochage à l’école primaire est le plus catastrophique qui puisse arriver ; or il existe, malheureusement, même si on a réussi à le réduire. Ce point est donc fondamental. Sachant que nous avions décidé le dédoublement des classes de CP et de CE1, ce qui représente 300 000 enfants, et que nous menions une politique favorable au milieu rural, avec 60 000 enfants dans des classes de moins de quinze élèves, nous pourrons dans les temps prochains procéder au retour à l’école de tous ces élèves en respectant le protocole sanitaire. 

L’argument sanitaire, même si je ne le mentionne qu’avec précaution, n’étant pas moi-même un spécialiste, repose sur le fait que les dernières études montrent une contagiosité moins forte chez les moins de 10 ans.

M. Marc Le Fur. C’est l’inverse !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Et il y a d’autres éléments. Ce matin même, dans cette école de Poissy que j’ai déjà mentionnée, j’ai constaté que les personnels s’engageaient avec le même enthousiasme aujourd’hui qu’ils l’avaient fait au début du confinement pour l’accueil des enfants de soignants. Quand on voit de tels acteurs de terrain, on les salue, et on comprend qu’il ne sert à rien de décrire la situation de façon pessimiste. Ils partagent le même optimisme que moi sur l’engagement des professeurs. (M. Jimmy Pahun applaudit.) J’ajoute que pas un seul membre du personnel de cette école ni un seul des enfants n’a été malade pendant cette période. 

Encore une fois, cela ne sert à rien de noircir le tableau. Bien sûr qu’il faut être prudent, et c’est pourquoi nous avons établi un protocole sanitaire – dont on nous reproche parfois qu’il soit trop strict. Mais il ne faut pas nier non plus tous les problèmes qui se poseraient si les enfants restaient à la maison jusqu’en septembre.

L’école primaire est une priorité hors crise. Elle le demeure même dans la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-2934QG.htm