Christophe NAEGELEN

Question orale sans débat n°1222 – Critères applicables à la commande publique

Question :

M. Christophe Naegelen interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur les critères applicables à la commande publique. Il est impératif d’être plus vigilant dans les marchés publics afin de respecter les règles d’attribution et de favoriser davantage les TPE PME françaises mais aussi les entreprises qui vont faire travailler les salariés français. Même si des améliorations ont été constatées ces dernières années, le manque de rigueur de l’administration ou le manque de contrôles font que certaines décisions de la commande publique posent question. Il apparaît par exemple que des marchés publics d’État sont remportés par des entreprises dont l’implantation en France est limitée, voire qui sous-traitent à l’étranger, ou même par des sociétés étrangères, alors que leurs tarifs pour l’offre publique sont plus élevés que ceux d’entreprises françaises répondant au même marché public avec une qualité d’offre équivalente. Ces TPE et PME françaises sont alors écartées du marché public de manière difficilement compréhensible, au prétexte de critères flous non démontrés, par exemple la « pertinence des moyens humains dédiés à l’opération ». Cet état de fait est d’autant plus problématique que les marchés publics sont payés avec l’argent des contribuables et qu’à ce titre le tarif le plus avantageux devrait toujours être privilégié. De manière plus générale, les critères de la commande publique sont à remettre en question. L’accent devrait être davantage mis sur certaines priorités telles que favoriser les emplois français, les entreprises françaises, les TPE et PME locales, etc. Le principe d’allotissement devait représenter, de ce point de vue, une garantie. L’obligation d’allotir avait été renforcée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, loi dite « Sapin 2 ». Ainsi, depuis cette loi, « lorsqu’un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision ». Mais aujourd’hui, notamment dans les marchés publics de construction, l’allotissement qui devrait être la règle tend à devenir l’exception. De nombreux acheteurs publics choisissent en effet de renoncer à l’allotissement, créant ainsi un environnement très défavorable aux petites et moyennes entreprises. Enfin l’indépendance des donneurs d’ordre est un point clef sur lequel il convient d’insister. Des cas de préférence d’entreprises de la part de certains donneurs d’ordre (directeurs de service, adjudicataires) semblent être d’usage. Cela est tout simplement inacceptable. Par le contrôle de légalité et par son action de conseil aux acheteurs publics, le Gouvernement est en position d’influer sur les modalités de la commande publique. C’est pourquoi il lui demande ce qu’il entend faire pour redonner de la justice et du sens économique et social dans l’attribution des marchés publics et afin de perfectionner les critères de la commande publique.

Réponse

M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen, pour exposer sa question, n°  1222, relative à la commande publique.

M. Christophe Naegelen. Madame la ministre déléguée chargée de l’industrie, la commande publique revêt une importance capitale pour l’économie et pour les entreprises locales. La loi dite Sapin 2 a fait évoluer les règles d’attribution de ces marchés, de façon à favoriser davantage les TPE-PME françaises. Mais l’allotissement, qui devrait être la règle, tend actuellement à devenir l’exception, notamment dans la construction. Le manque de rigueur de l’administration et le manque de contrôles dans la commande publique sont inacceptables.

Dans ma circonscription des Vosges, l’attribution de certains marchés publics suscite des interrogations. Ainsi, l’entreprise Viry, sise à Eloyes, a répondu à deux appels d’offres, l’un pour la verrière du château de Villers-Cotterêts et l’autre pour celle de l’Hôtel de la Marine. Au prétexte de critères flous, dont l’importance n’a pas été démontrée, ils ont été attribués à une grande entreprise, qui n’a de française que l’appellation, puisqu’elle travaille entièrement avec des sous-traitants étrangers, alors que Viry proposait des tarifs inférieurs et une qualité d’offre équivalente. Les marchés publics sont financés avec l’argent du contribuable : le tarif le plus avantageux devrait être privilégié, tout comme le souci de favoriser les emplois français, les TPE et PME locales, et de préserver les savoir-faire. En outre, l’indépendance des donneurs d’ordre doit constituer une règle d’or. Il semble d’usage que certains directeurs de service et adjudicataires accordent leur préférence à des entreprises données, ce qui est tout à fait inacceptable.

Madame la ministre, pourriez-vous demander à vos services de regarder un peu plus en détail ces marchés spécifiques ? Plus généralement, que comptez-vous faire pour rendre l’attribution des marchés publics plus juste et renforcer sa dimension économique et sociale ? Il s’agit de mettre en valeur nos TPE et PME françaises, afin de valoriser leurs compétences au service de l’intérêt général.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie. Vous soulignez l’importance de la commande publique, moteur de notre économie, élément déterminant de la politique économique, et notamment de la politique industrielle. On parle beaucoup du « fabriqué en France » ; vous savez que j’en défends le principe depuis deux ans. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement, avec le soutien du Parlement, a fait évoluer le cadre juridique afin de faciliter l’accès des PME à la commande publique, de développer les achats responsables sur les plans social et environnemental, ainsi que les achats innovants, en exploitant les potentialités du droit européen de la commande publique. Celles-ci sont grandes, et insuffisamment utilisées en France.

Nous avons ainsi introduit des dispositions législatives et réglementaires pour donner des outils nouveaux aux acheteurs publics et faciliter l’accès à la commande publique de toutes les entreprises, en particulier les PME et les start-up innovantes, ainsi que les acteurs de l’insertion. Il y a deux ans, avec la loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises –, nous avons interdit les ordres de service à 0 euro, afin de rééquilibrer les conditions d’exécution financière des marchés publics. J’ai également augmenté le plafond des marchés publics sans formalités, tant les procédures constituent un obstacle pour les PME et les TPE : il est désormais fixé à 40 000 euros pour l’ensemble de la commande publique. J’ai également créé un dispositif pour les achats innovants inférieurs à 100 000 euros, qui favorise l’accès à la commande publique des entreprises les plus innovantes. J’ai renforcé les avances dans les marchés publics, notamment au bénéfice des PME. Enfin, j’ai engagé en juillet 2019 des travaux sur les cahiers des clauses administratives générales, afin d’introduire systématiquement des clauses sociales et environnementales. En effet, on sait que l’achat public français est en moyenne plus respectueux de ces aspects ; si nous voulons réussir la transition écologique et énergétique, nous devons, en tant qu’acheteur public, accorder nos actes et nos paroles.

La loi d’accélération et de simplification de l’action publique – ASAP –, que vous avez votée récemment, a encore amélioré l’accessibilité de ces marchés pour les PME. Le plafond de dispense de procédure, en dessous duquel les marchés de travaux publics sont dispensés de publicité et de mise en concurrence, a été rehaussé à 100 000 euros. Cette mesure prend tout son intérêt au moment où nous déployons un programme de rénovation thermique considérable, auquel les artisans et les petites entreprises ont vocation à participer.

L’allotissement, désormais obligatoire, facilite l’accès des PME à la commande publique dans le cadre de certains marchés. Les marchés globaux devront prévoir une part minimale d’exécution, fixée par décret, que le titulaire confiera à des PME ou des artisans ; de plus, le taux de sous-traitance aux PME constituera un critère de sélection, afin d’inciter les entreprises à aller au-delà.

Monsieur le député, je considère comme vous que nous devons consolider ces outils et en accélérer les effets, notamment en agissant auprès des acheteurs publics, des collectivités locales et des établissements publics, afin qu’ils soient formés et s’en emparent pleinement. C’est un des enjeux du plan de relance. Nous travaillons d’ailleurs à aller plus loin dans le domaine de la commande publique. Concernant les dossiers spécifiques que vous avez mentionnés, j’ai demandé à mes services de regarder précisément les problèmes que vous pointez, car je pense qu’une telle analyse contribuera à améliorer les effets de ce travail que nous menons au service des PME et de notre économie.

M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. En effet, les lois ASAP et PACTE ont apporté des améliorations ; j’étais sur ces bancs pour amender et voter ces textes. Néanmoins, il faut bien vérifier avec l’administration que les mesures que nous avons adoptées sont effectivement appliquées. Concernant plus spécifiquement le cas de l’entreprise Viry, je vous remercie de me tenir informé.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-1222QOSD.htm